Le cirque maudit by Serge Brussolo

Auteur:Serge Brussolo [Brussolo, Serge]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Éditeur: Plon
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Célèbres !

Dès lors, tout se déroula à merveille et les deux sœurs allèrent de succès en succès. Elles maîtrisaient de mieux en mieux le pouvoir prêté par les dieux animaux. Les cafouillages des premiers temps furent vite oubliés. Peggy se rendit compte qu’elle appréciait beaucoup cette nouvelle vie. Il lui plaisait d’être devenue populaire, de voir les gens se bousculer sur son passage pour lui demander des autographes.

- Ne te monte pas la tête! répétait le chien bleu. Garde à l’esprit que ce pouvoir ne t’appartient pas. Lorsque tu quitteras le cirque, tu en seras dépossédée. Ne te prends pas pour une vedette ou tu seras cruellement déçue.

Il parlait en pure perte car Peggy ne l’écoutait pas. Mais il est vrai que le succès est une drogue terrible qui finit par faire perdre l’esprit aux plus avertis. Marie-Geneviève, en l’occurrence, était devenue affreusement capricieuse. Elle jouait les coquettes et prenait des bains de foule devant le chapiteau, là où se rassemblaient ses admirateurs.

Les garçons glissaient des déclarations d’amour sous la porte de sa roulotte, ou accrochaient des bouquets de fleurs à ses volets. Il en allait de même pour Peggy. Heureusement, le chien bleu qui veillait au grain, s’empressait de déchiqueter à belles dents les billets doux; quant aux fleurs, il avait passé un accord avec les chèvres du voisinage pour qu’elles viennent les dévorer chaque matin, II ne tenait pas, en effet, à ce que Peggy Sue perde la tête, elle aussi.

« Nous jouons un jeu dangereux, se disait-il. Il faudra tôt ou tard en payer le prix. Alors, autant rester sur nos gardes. »

Hypnozus fit peindre de nouveaux placards publicitaires vantant les pouvoirs extraordinaires de Fabuloza et Bizzarïna. C'étaient les pseudonymes dont il avait décidé d’affubler les deux sœurs. Marie-Geneviève était Fabuloza et Peggy Bizzarïna. Elles jugeaient l’une et l’autre ces sobriquets ridicules et protestèrent, mais le gorille ne voulut rien entendre.

La caravane sillonnait le pays en tous sens, évitant les cités importantes, les lieux de foire. La troupe se produisait pour un public de paysans qui, très souvent, troquait de la nourriture contre un billet d’entrée. On gagnait juste assez pour ne point mourir de faim.

Les jeunes filles en souffraient, elles auraient aimé déployer leurs talents devant une assemblée plus raffinée. Insensiblement, elles oubliaient qu’elles n’étaient que des marionnettes entre les mains des dieux animaux.

« Ça y est ! soupirait le chien bleu, catastrophé. Elles se la jouent grave. »

Chaque fois qu’il tentait de les ramener à la raison, il se faisait rabrouer.

Ziga, la gitane, devinant sa déconvenue, lui déclara un jour :

- Ne t’en fais donc pas, j’ai été comme elles moi aussi. Un jour, elles finiront par redescendre sur terre. Je peux même te dire comment cela se produira. Un matin, en s’examinant dans le miroir, elles s’apercevront qu’elles ont des cheveux gris et des rides au coin des yeux. Ce sera le signe que le pouvoir des bêtes a entamé son travail d’usure. Alors elles cesseront de jouer les stars.

- C’est ce qui t’est arrivé?

- Oui, mon beau toutou.

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